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LE SUISEKI
PREAMBULE
 
Cet article vous est proposé à la demande des rédacteurs de ce site, je ne suis ni un grand « spécialiste » ni un « chercheur » de renom, seulement un amateur passionné depuis de nombreuses années ayant acquis certaines connaissances à force de lectures et de pratique.
Ma sympathie pour les philosophies orientales, la pratique du bonsaï, m'ont amené à m'intéresser aux disciplines et arts connexes, le suiseki en particulier, j'y ai acquis quelques amis.
 
LE SUISEKI UN ART ?
 
Question épineuse, pleine de controverses, comme le bonsaï, le suiseki (la pratique) répond à des règles d'esthétique dont les canons sont ceux qui régissent en général tous les arts, le dessin , la sculpture etc., ; ces règles sont le fruit d'observations de calculs établis depuis des siècles et enseignés dans les écoles et les conservatoires du monde entier, elles sont le B,A BA de l'esthétique universelle, européenne ou orientale, ce sont les « canons de la beauté ».
Comme toute discipline artistique, le suiseki a bien sur ses règles, ses codes, ses styles, son histoire, ses modes, ses tendances.
Cet article n'ayant pour but simplement que de faire connaître cette discipline, je ne rentrerai pas dans le détail et ne donnerai que certaines grandes lignes pour situer un peu ce que vous risquez de rencontrer dans des expositions en France.
Si le besoin s'en fait sentir, nous serions éventuellement amenés à préciser certains aspects de cet article dans le futur.
 
HISTORIQUE
 
Dès le sixième siècle, la tradition shintoïste (son élite) utilise des « kami » éléments représentants la nature pour en faire des supports de méditation (arbres, pierres, paysages).
Les pierres sont alors en Chine appelées « bonseki », pierres en pots et sont le plus souvent, des paysages miniatures, des compositions sur des plateaux.
Entre le septième et le dixième siècle, à la faveur d'échanges commerciaux, cette pratique parvient au Japon, l'aristocratie et la noblesse s'emparent de cette pratique dans la période Muromachi, en particulier dans l'ère Nambokucho (1336 à 1392).
Comme avec un certain nombre d'autres traditions culturelles, les pierres paysages chinoises (Sansui-seki pour les Japonais) deviendront plus tard « suiseki » en subissant une série de changements avant de prendre sa forme actuelle sous l'influence du bouddhisme zen et de l'esprit de la cérémonie du thé, ce sont les japonais également qui codifieront et classeront les pierres par catégories au vingtième siècle.
Plus tard on a collectionné aussi des pierres « figuratives ou en forme d'objet »(maisons, forme humaine ou animale), sont venues ensuite deux autres catégories, les pierres à dessins de surface et les pierres colorées, nous les verrons dans les classifications.
La façon dont la tradition a évolué à son arrivée au Japon est très nette dans la tendance générale, qui préfère les couleurs sombres, discrètes, en particulier le noir profond alors que la tradition chinoise favorise les pierres plus « voyantes ».
A noter une chose très importante, à l'inverse de la tradition chinoise, l'évolution de l'art du suiseki
au Japon proscrit toute intervention mécanique sur les pierres, ponçage, coupe, collage etc.
D'autre part, la présentation dans le tokonoma (issue de la cérémonie du thé) avec une plante (shitakusa)et un rouleau (kakemono)est caractéristique du Japon, les chinois présentant le plus souvent les pierres en groupe et non accompagnées et pas forcément sur des tablettes.
Aujourd'hui le suiseki est assez connu et pratiqué au Japon, les chinois font surtout des biseki (nous verrons dans la classification). En Europe, l'Italie compte bon nombre d' amateurs de haut niveau, ils ont la chance de posséder des sites de grande qualité. La France n'a pas cette chance, peu de sites de collecte de pierres, le nombre de pratiquants (j'entends amateurs qui collectent, préparent et soclent leurs pierres) se limite à trente ou quarante personnes grand maximum.
CLASSIFICATION

Je ne prendrai pas le risque d'être précis ni de vous donner tous les noms japonais pour les pierres, car en exposition il faut donner le nom exact en théorie, mais la plupart du temps, l'organisateur de l'expo donne lui même un tableau sur lequel il faut inscrire les pierres car autrement il faudrait attribuer trop de prix !
Donc voici les grandes lignes de la classification de la Charte de Saburo Ei
 
1 - Pierres d'appréciation :
     Pierre objet, pierres abstraites

2 - Pierres paysages
     Pierre hutte, Pierre pente
     Pierres montagnes éloignées à un, deux trois ou plus de sommets
     Pierre marche ou plateaux (au moins deux)
     Pierre île
 
3 - Pierre eau
     Pierre bassin
     À forme de roches côtières,
     Falaises, tunnel, cascades, torrents de montagne
     Plage avec roches, Bateau
 
4 - Pierres rares
     Figures
     Pierres à dessins, dessins de fleurs
     Pierres chinoises
 
5 - Belles pierres
     Pierres colorées
     Pierres uniques
 
C'est rébarbatif je reconnais, mais il faut y passer, si un jour on expose, ce n'est pas le propos du jour mais il faut le savoir je tiens à votre disposition les noms japonais si cela vous intéresse
 
PRESENTATION
 
Comme pour le bonsaï, on représente dans un espace réduit, un petit monde qui symbolise la nature toute entière, la pierre est présentée soit dans son socle le daïsa (lui aussi très codifié) soit dans un suiban (plateau céramique) ou doban (plateau bronze) ces deux derniers étant réservés aux pierres eaux, et sur une tablette ou une tranche, on l'accompagne d'une plante, shitakusa, et le plus souvent d'un rouleau, kakemono représentant généralement une callygraphie (un haïku) ou une estampe.
A noter qu'en accompagnement d'un bonsaï, ce qui est fréquent, on ne présente que des suiseki de taille modeste, notre maître japonais nous dit « la taille d'un poing maximum » et ne seront que des pierres montagnes (avec ou sans cascade), exceptionnellement une pierre bassin ! (Dixit)
 
CONCLUSION
 
Difficile de faire plus succinct !
Certains paragraphes méritent à eux seuls un article complet : je n'ai pas abordé l'aspect géologie, il est pourtant essentiel pour ceux qui voudront aller collecter des pierres et les « travailler », quelles pierres « ramasser » ? la confection des daïsa est un travail délicat mais primordial pour ceux qui veulent s'y attaquer, le choix des bois, le profil du socle, le type et l'emplacement des pieds, des sujets à discussions passionnantes !
Si le cœur vous en dit nous pourrons revenir sur certains aspects de cet art passion, j'espère que cet article vous aura mis l'eau à la bouche.
                                                                                  François BUTTIN
FB-20170225-0015 biseki, variolite kuzuya-kei    pierre abri